mardi 8 juillet 2025

TVA sociale, une marotte patronale

vendredi 23 mai 2025

Lors de son interview sur TF1, le 13 mai, Emmanuel Macron a estimé face à Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, que le financement du modèle social français « repos[ait] beaucoup trop sur le travail », et suggéré de mettre à contribution « d’autres facteurs, en particulier la consommation ». Des propos qui font implicitement référence au projet de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale, désiré depuis longtemps par le patronat et déjà envisagé par Nicolas Sarkozy lors de son mandat présidentiel. Décryptage.

Comment finance-t-on un modèle social solide ? Avec des cotisations, en grande partie. Sur le bulletin de salaire de chaque salarié, est prélevé un pourcentage qui sert à financer les retraites, par exemple. C’est ce que l’on appelle une recette « fléchée », dans le sens où elle est attribuée directement à une caisse précise. Cette cotisation est payée en partie par le salarié et en partie par l’employeur. Pour cette raison, ces derniers préfèrent parler de « charges ». C’est à cela que fait référence Emmanuel Macron lorsqu’il dit que le modèle social « repose beaucoup trop sur le travail ».

Maintenant, comment réduit-on un déficit de 15.4 milliards d’euros, comme celui de la Sécurité sociale en 2024 (le fameux « trou de la Sécu’ ») ? Une solution serait d’augmenter le taux des cotisations et les salaires, comme le revendique la CGT. Mais le patronat est d’avantage favorable à une autre option : la TVA sociale.

Une baisse générale du niveau de vie

Chaque achat par les consommateurs est soumis à la TVA. Il existe trois taux : un taux réduit à 5,5 % (livres, billets d’entrée au spectacle ou au cinéma…) ; un taux intermédiaire à 10 % (restauration, transport des personnes, etc.) ; et un taux plein à 20 % (pour la quasi-totalité des biens et services présents sur le territoire). Le projet de TVA sociale consiste à diminuer les cotisations sociales sur les salaires et à combler le manque à gagner en augmentant cette taxe à la consommation. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) milite activement pour sa mise en place. Il s’agit d’un élément de la politique néo-libérale dite de l’ « offre », qui consiste à réduire autant que possible la contribution des entreprises privées à la protection sociale, contre une augmentation de la participation des particuliers.

La hausse de la TVA entraîne mécaniquement une hausse des prix – même si Emmanuel Macron évoque une exception pour les produits de première nécessité. D’après une étude de Mathias André et Anne-Lise Biotteau pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), une hausse de trois points de TVA entraîne en trois ans une baisse générale du niveau de vie, en particulier pour les plus modestes. Cela s’explique par le fait que, à l’inverse des cotisations qui sont proportionnelles, la TVA est la même pour tous les consommateurs, indépendamment de leurs revenus. Elle pèse donc d’avantage sur ceux qui ont les revenus les plus faibles.

« La Sécurité sociale serait totalement dépossédée de la gestion de la protection sociale. »

Karim Bakhta, FNPOS-CGT

Par ailleurs, la TVA n’est pas une recette « fléchée », il n’y a donc pas de garantie que l’État la réaffecte systématiquement au financement de la Sécurité sociale. Il s’agit d’un impôt, et non pas d’une cotisation : les secondes sont versées en échange de droits et de contreparties, pas les premiers. Ce changement de paradigme mettrait à mal le fonctionnement paritaire de la protection sociale. Karim Bakhta, animateur du collectif Sécurité sociale à la Fédération CGT des organismes sociaux (FNPOS-CGT), explique : « Ça veut dire qu’en fin de compte la Sécurité sociale serait totalement dépossédée de la gestion de la protection sociale puisque cette fois, ce serait financé par l’impôt. On tient à une Sécurité sociale gérée par les travailleurs et leurs représentants. C’est comme ça que le modèle a été conçu au départ. Si demain, la gestion passe totalement dans les mains de l’État, on tomberait dans le pot commun de l’impôt. On serait tributaires de décisions comptables, budgétaires, et de la couleur politique des gouvernements et du Parlement. »

« Il est dit qu’on peut pas se payer un tel niveau de protection sociale, or le problème ne réside pas dans les dépenses mais dans les recettes. »

Karim Bakhta, FNPOS-CGT

La volonté de transférer une partie des cotisations sociales vers l’impôt n’est pas nouvelle. En 1991, Michel Rocard, Premier ministre de François Mitterand, crée la contribution sociale généralisée (CSG) prélevée sur tous les revenus pour diminuer les cotisations. En 2012, une première mouture de TVA sociale est mise en place par Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat, et abrogée par la nouvelle majorité socialiste quelques semaines après l’élection de François Hollande. Sophie Binet, interrogée au lendemain de l’interview du président, le 13 mai, rappelait : « Il y a eu beaucoup de baisses de cotisations ces dernières années, jamais les salariés ne l’ont récupéré en augmentation du salaire net ».

Pour Karim Bakhta, « on accorde beaucoup trop d’exonérations et d’aides à l’employeur. Il est dit qu’on peut pas se payer un tel niveau de protection sociale, or le problème ne réside pas dans les dépenses mais dans les recettes. Quand on dit qu’on a allégé le « coût du travail« , celui-ci n’est pas compensé par n’importe qui. Il est une fois de plus payé par les contribuables, par les travailleurs ».

La FNPOS-CGT se joindra à la mobilisation nationale du 5 juin pour la défense des retraites et la préservation de la protection sociale, en même temps qu’une proposition de vote sur l’abrogation de report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans sera présentée au Parlement.

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