vendredi 29 mars 2024

Projet de loi Mobilité : une loi qui fait fausse route !

mardi 21 août 2018

Élisabeth Borne, ministre des Transports, a présenté, lors du Conseil national de la transition écologique du 12 juillet, les grandes lignes de ce qui pourrait être la future loi des mobilités.

Si le constat est partagé sur l’urgence de remédier à la qualité de l’offre et à l’état des infrastructures – tant voyageurs que marchandises – les solutions proposées par le gouvernement sont en décalage avec les réalités et les attentes sociales et environnementales.

Pour ce gouvernement, les solutions seraient que le train et le réseau routier national non concédé (10 000 km) desservent les grandes métropoles entre elles. Puis les régions proposeront des solutions par l’intermédiaire des autorités organisatrices des mobilités. Dans le contenu du projet de loi, il ressort que les solutions sont à trouver sur les modes de transport utilisant principalement la route (autocar, autopartage, covoiturage, financement permis, véhicules, vélo, etc.), en cohérence avec le pacte ferroviaire qui pourrait conduire à la suppression de 9 000 km de lignes ferrées hors zone des métropoles (TER). Ce sont les régions qui décideront où elles déploieront les moyens financiers en partant du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Pour la CGT, l’État ne peut pas être un simple spectateur. S’il doit donner du pouvoir aux régions pour organiser au mieux les transports en proximité, il ne saurait pour autant s’exonérer de s’assurer de l’effectivité du droit aux transports pour tous et de l’égalité des populations entre les territoires.

Le grand absent de ce projet de loi : le report modal et le financement pour combattre le réchauffement climatique

Malgré les ambitions de la France contenues dans les accords de Paris, les mesures drastiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre – responsables du réchauffement de la planète – sont absentes de cette loi. Tous s’accordent à reconnaître que l’émission de ces gaz est principalement imputable aux circulations routières. Selon la stratégie nationale bas-carbone, les émissions vont continuer à progresser ces dix prochaines années, à rebours des grandes déclarations d’intentions des pouvoirs publics.

L’écriture de la loi des mobilités doit être une chance pour planifier un changement majeur dans le transport des marchandises et des voyageurs. Privilégier d’autres modes de transports plus propres, moins accidentogènes, et générant moins de pollution – comme le fluvial ou le ferroviaire – serait efficace et utile à tous. L’intérêt général doit conduire à privilégier l’extension et l’amélioration des services publics plutôt que de satisfaire les appétits des actionnaires des différents opérateurs et des start-up. C’est une véritable politique publique de transports qui est nécessaire.

Le ministère de l’Environnement prévoit, dans une étude prospective, une hausse de 86 % des besoins de transports à l’horizon 2050. L’État ferait preuve d’inconscience en ne cherchant pas les conditions d’un report modal en complémentarité – et non en concurrence – entre tous les modes, afin d’endiguer le cercle vicieux de la dégradation écologique et sociale.

Concernant le financement, les récents rapports sur l’état des infrastructures ferroviaires et routières confirment leur dégradation avancée. Le report des travaux de maintenance génère des surcoûts financiers importants, la maintenance se transformant en besoins de régénération (plus onéreux). Le meilleur exemple est celui du réseau ferré dont l’état d’abandon de ces dernières années conduit aujourd’hui à une multiplication des travaux et à la dégradation du déficit.

Le contenu de la loi se préoccupe des besoins de mobilités sous le seul prisme de son efficacité pour les entreprises. Lorsqu’il s’agit des solutions transports pour les loisirs, rien n’est prévu. C’est bien la démonstration que les transports bénéficient principalement aux entreprises. C’est donc à elles de financer majoritairement.

Pourtant, les pistes exploitées sont celles de faire payer l’usager. TICPE : plein pot pour l’usager et exonération pour le patronat routier. Péages : plein pot pour les usagers et exonération de la TVA pour le patronat routier. Création de péages urbains pour les automobilistes et pour le patronat routier : une « éventuelle vignette » poids lourd générant au maximum 500 millions de recettes.

La CGT est force de propositions !

Pour la CGT, il existe d’autres pistes de financement : le versement mobilités existant actuellement est obligatoire pour les seules entreprises de plus de 10 salariés.

La CGT revendique :

  • le versement mobilités dès le premier salarié ;
  • la renationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, véritable rente pour les actionnaires des entreprises du BTP qui se partagent le gâteau. Ce dernier existe, il doit être réparti différemment, utilisé pour l’intérêt général ;
  • l’arrêt de l’exonération de la TICPE pour le patronat routier ;
  • la prise en charge des coûts externes générés par la route dans l’évaluation des différents modes de transports.

La CGT reste perplexe sur les ambitions de cette loi des mobilités qui vient succéder à la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti). Elle n’est pas en phase avec la gravité de la situation environnementale, sociale, de santé. Elle ne répond pas plus aux besoins de requalification urbaine pour éviter l’extension des villes, et le « tout logistique routière » en périphérie comme au cœur des villes.

Le document du ministère de la Transition écologique et solidaire remis à l’issue de la conférence de presse du 20 juillet dernier confirme l’absence d’objectif quantifié de report modal des trafics de marchandises et de voyageurs de la route vers des modes plus vertueux. Le fret ferroviaire est-il vraiment une priorité pour ce gouvernement ?

Pour la CGT, l’organisation des transports doit relever du domaine public. Le transport est un droit qui doit permettre un accès à tous et une égalité entre les régions, les métropoles, les villes et les campagnes. Les pollutions, les congestions et l’artificialisation des terres à outrance ne doivent plus être la priorité. La priorité, ce sont les enjeux environnementaux et sociaux.

Pour qu’une loi d’orientation des mobilités se donne les moyens de répondre à ces défis, il faut que le principal bénéficiaire – c’est-à-dire le capital – participe au financement.

Il faut combattre le réchauffement climatique en s’attaquant aux racines : le transport en est le premier responsable. Il est urgent de conduire une politique massive de report modal de la route vers le rail et le fluvial, avec une complémentarité entre tous les modes et non une concurrence, par des objectifs clairs et identifiés. C’est l’ambition du projet « ensemble pour le fer » porté par la CGT des cheminots. Il reste au gouvernement, comme nous y invite le ministre Hulot, sans esprit partisan ou revanchard, à répondre à ces défis et mettre en œuvre ces propositions pour le bien commun et un air sain.

En complément, l’audit du réseau routier non concédé en France qui a été commandé par le ministère des transports lors des assises de la mobilité et qui a été présenté à la presse le 10 juillet dernier. Assez éloquent à l’heure de la catastrophe de Gênes

Rapport ministériel sur l’état du réseau routier














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